vendredi 14 décembre 2012

Florange et Maizières-les-Metz: l’indispensable médiation.

En une semaine, la situation de la métallurgie lorraine s’est dégradée. Dans un précédent article sur le site économie.net du Dr Jean-David Haddad, je focalisais la réflexion sur la dimension industrielle de cette affaire. La conclusion reste valable. Je voudrais aujourd’hui focaliser sur l’aspect psychologique de la négociation.

Le site de Florange souffre d’une série d’inconvénients. La sidérurgie mondiale compte 25% de surcapacité, le site a rejoint un groupe mondial qui vise à réduire l’offre et donc les surcapacités en fermant les sites locaux les moins rentables. Je concluais donc et je maintiens qu’il faut se préparer à la fermeture et à négocier le financement des reclassements avec Mittal tout en protégeant le centre de recherche privé du groupe situé entre Florange et Metz, à Maizières-les-Metz, l’IRSID (photo).


Or l’abandon du projet ULCOS est un signal négatif pour les 200 chercheurs de ce centre de recherche privé, l’ensemble représentant 500 emplois. Et rappelons que diverses initiatives de développement territorial s’appuient sur ce centre: le centre de formation des apprentis de la sidérurgie de Yutz (60 par promo), le pôle de compétitivité Materalia … L’enjeu dépasse malheureusement le sort des 625 métallos de Florange …

Où serait le Mal ?

Le mal, c’est la Politique. Le constat ci-dessus, tardif, synonyme de ratage, de déroute sur fond de drame humain où les émotions « médiatisées » renvoient à des clichés encore vivants dans notre inconscient collectif. L’imaginaire, c’est l’industrie lourde, les luttes syndicales du passé, le mythe de la puissance nationale fondée sur la production du charbon et de l’acier dans cette région frontière, enjeu de tant de guerres … Or la sidérurgie d’aujourd’hui elle se fait sur l’eau et l’avenir du métallo de Florange c’est la reconversion. Mais Montebourg a préféré jouer sur le mythe pour essayer de montrer sa détermination et non pas défendre l’intérêt de son gouvernement et celui des employés actuels de Florange. Il a préféré tempêter, tenter le bras de fer en évoquant un éventuel repreneur imaginaire. Et pourquoi ? Sans doute parce que Montebourg est encore jeune et qu’il se pose en futur rassembleur de la Vraie Gauche. Son véritable adversaire à distance pourrait bien être Mélenchon et non Mittal.

Le mal, c’est le Libéralisme. Donc le mal c’est l’autre, c’est-à-dire le capitaliste ultra-libéral Mittal. Je l’ai déjà présenté. Or Mittal prend ses décisions dans sa cuisine à Londres entouré de ses proches. Il n’a que faire des considérations ci-dessus, il n’est d’ailleurs pas « libéral », il est rentier. Il cherche à faire monter le prix des produits de base que vend son groupe. Il sait très bien acheter à bas prix des actifs quand ils ne valent plus un clou et que leurs propriétaires (souvent des états incompétents) ne savent plus qu’en faire. Il restructure en attendant de voir les prix monter, sa surface mondiale le lui permet. Mais lui-aussi a ses faiblesses et ses difficultés comme à l’occasion de cet accident survenu sur son site d’Imphy dans la Nièvre en Novembre et dont on a peu parlé. Croyez-vous pour qu’il cède qu’il suffise de lui demander poliment ou même de l’insulter publiquement comme l’a fait l’opportuniste Montebourg?

Le mal, c’est la simplification médiatique. La Politique et le Libéralisme ne sont que des abstractions, des fictions avec lesquelles on ne négocie pas. Or le « stagging » médiatique consiste à nous présenter le match de deux archétypes justement. Si Mittal et Montebourg disparaissaient, les enfants de l’un et les supplétifs de l’autre incarneraient immédiatement ces fictions à leur place et le problème demeurerait dans sa complexité et sa difficulté. Alors ?

Où serait le Bien ?

Nationaliser ? C’est possible et on sait depuis peu que cela coûterait moins cher que prévu par le gouvernement Eyrault, 500 M€ tout de même. Et puisqu’Obama est capable de nationaliser en cas d’urgence, ce n’est pas du « Communisme » c’est du « Pragmatisme ». Nous retombons dans la simplification. Le problème c’est que s’il n’y a pas de politique industrielle pour assurer l’avenir, nationaliser ne ferait que retarder l’inévitable et creuser le déficit. Cela marcherait peut-être avec un repreneur, or il n’y en a pas. Montebourg aussi a menti en tentant stupidement d’effrayer Mittal comme font les négociateurs débutants trop sûr de leur bluff. On ne peut pas nationaliser.

Négocier ? On ne négocie pas bien en commençant par trahir ses promesses, c’est en effet ce qu’a fait Mittal. Un dirigeant qui sait certes acheter et restructurer mais, ses cadres le savent, qui ne sait ni vendre, ni sortir proprement de ce type de situation. ET, on ne négocie pas en insultant son adversaire dans la presse ni en bluffant grossièrement surtout quand on n’a pas de « MESORE » dans sa manche (Meilleure Solution de Rechange) or c’est ce qu’a fait Montebourg. Un politicien qui cherche à se construire une image pour la prochaine présidentielle. En espérant ainsi mettre de son côté les sentiments du peuple de gauche en France, Montebourg s’est attiré la désapprobation des pragmatiques européens et internationaux. Les allemands notamment ont déjà, dans la Ruhr et ailleurs, su gérer de telles situations. Les milieux d’affaires mondiaux, Indiens et autres se voient renforcés dans leur idée que  la France est l’un des derniers pays communistes de la planète. L’un s’est disqualifié par ses mensonges, l’autre par ses rodomontades. On ne peut plus négocier.

Ce que médiation veut dire !

Malheureusement, ce qui vient d’être décrit ci-dessus sont les préalables d’une situation perdant-perdant. Les égoïsmes et la bêtise des deux camps ont capitalisé sur les peurs et sur les clichés au lieu d’essayer d’optimiser les intérêts des DEUX parties. Et cela nécessite d’oublier le passé et les dogmes, surtout les douteuses abstractions qui finissent en « -ismes » et qui mobilisent tant les médias. 

Montebourg et Mittal ont démontré l’un et l’autre leur INCOMPETENCE pour négocier à ce stade. Il leur faudrait un tiers vraiment neutre pas forcément spécialiste du syndicalisme, ni de la production d’acier, ni du fonctionnement d’une firme mondiale mais tout de même bien informé. Il faudrait un facilitateur rompu à la négociation qui aille en douce prendre Mittal par la main dans sa cuisine de Londres et celle d’Eyrault à l’hôtel Matignon et qui soit suffisamment crédible et charismatique pour les amener à vouloir reconnaître en privé la position de l’autre.

Ensuite seulement, on pourrait parler de l’avenir de l’IRSID, d’Ulcos, de la sidérurgie sur l’eau de Dunkerque et de Fos-sur-Mer et du financement de la reconversion des Métallos lorrains. Mittal dont l’image est atroce dans de nombreux pays redorerait son blason et de continuerait sa stratégie (qui n’est pas libérale mais monopolistique mais c’est un autre problème). Le gouvernement Eyrault (qui devrait se séparer de Montebourg) démontrerait que l’on peut être discret et efficace. Il rassurait ainsi les milieux internationaux (la finance internationale prête à la France à moins de 2% actuellement !) et ses frileux alliés européens dont il ne peut pas se passer.

En quoi sommes-nous concernés ?

En rien car nous ne conseillons pas les belligérants et en tout car la bêtise ambiante nous guète tous. Je crains que, dans cette affaire, la bêtise ne gagne. Mais faites circuler ce papier. Il se peut que l’on finisse par comprendre ce que « NEGOCIER » veut dire sur un plan profond.
Quand à MEDIER, c’est prendre les belligérants par la main (Là où leurs émotions et leurs préjugés les ont stupidement enfermés) et créer les conditions d’une négociation mutuellement fructueuse. Attention, ce n’est pas un rêve de « bisounours ». A l’arrivée, il y aura certainement 625 licenciements d’un côté et un chèque de l’autre. Mais en plus, il pourrait aussi y avoir de précieuses coopérations autour de l’IRSID car à mon avis, la planète aura encore besoin d’aciers spéciaux et de compétences pour que l’on continue sans cesse à améliorer les conditions économiques et écologiques de production et la qualité des aciers. 

Choisissons l’intelligence pour sauver ce qui peut être un atout pour l’avenir.

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