dimanche 29 juillet 2012

Philippe van den Bosch: de la sculpture cérébrale ...


Avec cette douzième intervention à TEDxLaDéfense, Philippe van den Bosch nous fait entrer dans le cerveau. Nous avons voulu dans cette session "ouvertures" approfondir notre thème sur l'humain ... et c'est à une plongée sous la calotte crânienne que nous sommes conviés.

Quel est l'angle de l'intervention ?

Philippe est chercheur. Neurobiologiste. Il fut un pionnier de la recherche sur l'imagerie appliquée au système nerveux. Il enseigne et a dirigé à Louvain un laboratoire de référence qui fit de lui un expert mondialement reconnu dans le domaine de la résilience du système nerveux et un conférencier apprécié notamment sur le thème de la maladie d'Alzheimer. J'ai demandé à Philippe, par ailleurs curieux et informé d'un très grand nombre de sujets hors de son champ immédiat de travail, de nous proposer sa vision sur les dérives actuelles de certaines prises de décisions économiques et financières. 

On peut en effet s'interroger sur la constance avec laquelle pour reprendre le mot d'Einstein, nos contemporains s'obstinent à faire sans arrêt la même chose en espérant un résultat différent. Ce qu'il donne comme définition de la folie. 

Nos précédents interlocuteurs nous ont montré tout d'abord que nous vivons des crises dont la nature est structurelle, que des solutions d'apaisement existent à conditions de placer les choses dans des perspectives différentes ce qui nous amènerait à accepter de transformer notre société de manière drastique. Pourquoi ne faisons-nous pas ce qui semble nécessaire alors ?

Voici la vidéo:


Tentative de résumé:

Une grande spécialisation des différentes aires du cerveau existe et ce qui importe c'est que toutes ces aires fonctionnent ensemble, c'est même pour Philippe van den Bosch un bel exemple de coopération !

Le nombre de connexions d'un seul cerveau humain dépasse celui de tous les ordinateurs du monde "occidental". Les neurones se remplacent pour renouveler ces connexions même si le nombre de neurones décroît.

Nous câblons nous-même notre réseau de connexions de façon unique avec notre expérience. Comme dans l'image du verre de vin, chacun va en avoir par avance une expérience différente. C'est une véritable sculpture cérébrale qui va commander nos actions de façon spécifique...

Nous avons un déficit de gestation à la naissance d'environ 2 mois ... l'enfant humain est donc "libéré" trop tôt, c'est un prématuré surstimulé par l'environnement extérieur. Cela expliquerait ainsi les meilleures performances intellectuelles de l'humain par rapport aux autres primates, par ailleurs génétiquement peu différents.

La deuxième conséquence de cette naissance précoce est la nécessité pour l'enfant d'être pris en charge par la mère, les parents, le groupe ... très tôt se met donc en place une communication, un babillage parallèlement au développement des neurones miroirs qui favorisent au final le mimétisme des mouvements (et sans doute l'apprentissage).

Toutes ces choses sont gérées par le cortex préfrontal qui trie et permet d'agir en fonction de notre histoire neuronale.

A ces actions sont associés des processus procurant du plaisir avec une substance que l'on appelle "dopamine" selon le schéma suivant:

On comprend que ce "mécanisme" permette une recherche de la maximisation du plaisir, ce que l'on peut maintenant visualiser et mesurer comme dans l'illustration suivante:
La thèse:

Philippe nous propose alors l'interprétation suivante: si l'individu se coupe de plus en plus des émotions "humaines" découlant du "groupe" et qui ont fait le succès de l'espèce à travers les âges au profit d'une recherche d'actions visant à produire un plaisir de plus en plus en décalage, on peut parler alors d'une "perversion". Si l'on remplace "plaisir" par "profits", nous nous retrouvons devant une simplification d'une situation qui donne peut-être une idée d'un possible ressort profond de la crise de l'économie financiarisée actuelle !

Le plus amusant c'est que Philippe glisse au passage que pour ces individus "en décalage", le plaisir que génère ainsi la dopamine, et cela a été mesuré en laboratoire, est plus fort que celui généré par des images érotiques ... Du coup, notre intervenant ironise sur le fait que ces individus auront ainsi statistiquement moins de chance de se reproduire ... Sur longue période, Darwin gagne toujours et donc à l'échelle de l'évolution de l'espèce humaine, nous finirons par en sortir ... !

En quoi sommes-nous concernés ?

Les progrès de l'imagerie ont permis de progresser depuis une quarantaine d'années dans l'exploration des mécanismes de la prise de décision et de l'action (stimulus-réponse). Philippe se place ici au carrefour des sciences dures et des sciences humaines. Il faut certainement prendre en compte une complexité plus grande et d'autres substances (ocytocine, testostérone ...) et leurs interactions... La simplicité du propos n'est donc qu'apparente.

Cependant, il nous reste une idée puissante. Et si, plutôt que pour la complexité des marchés ou l'abstraction de la complexité, l'humain était surtout fait pour le petit groupe et donc pour une société et une économie qui se refonderaient en retrouvant du sens dans la richesse de véritables relations ?

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