dimanche 4 mars 2012

L’argent-dette, partie 1 : le constat de la rareté.

Ceci est un essai de synthèse sur cet argent qui nous est nécessaire pour vivre et qui tend pourtant désormais à compromettre l’équilibre de nos sociétés. Peut-être allons-nous être conduits à réaliser la plus importante innovation sociale de l’Histoire récente. 

Je propose d’abord de visionner ce documentaire d’Alan Rosenblith  et de vous faire une idée simple de ce qu'est l'argent en réalité.



La crise financière que nous traversons depuis fin 2008 va avoir des conséquences importantes. Elle s’est exacerbée avec la forte probabilité révélée par certains économistes de voir nos Etats contraints de décider le moratoire sur leurs dettes. Nos Etats seraient donc en faillite (M. Fillon l’avait annoncé en Septembre 2007 avant de se faire taper sur les doigts par Sarkozy). On s'attend à ce que les banques créancières chutent entraînant une dépression économique… Un scénario catastrophe se dessine donc pour l'instant retardé par les effets de l’injection des 750 MM€ d'argent-dette réalisée en Décembre 2011 dans les banques européennes par la BCE ... De ce fait, ce qui est raconté dans ce film et qui n'est certes pas nouveau pourrait bien prendre une importance décisive.

Qu’est-ce que la monnaie ?

Dans ce petit film, Bernard Lietaer, l’un des inventeurs de l’ECU et ancien trader, nous le dit : la monnaie est souvent décrite par ses fonctions mais rarement pour ce qu'elle est vraiment : « La monnaie, c’est un accord ». Deux personnes qui réalisent une transaction s'entendent pour accorder à un tierce « signe » une valeur commune leur servant de référence, par convention. Ainsi un pâtissier et un boucher pourront échanger un gâteau contre un steak valant chacun 10€. Simplement la monnaie leur permet de procéder sans troc, sans se voir, ni même le savoir. Les 10€ pourront être échangés entre eux et leurs clients et fournisseurs respectifs un grand nombre fois et au passage se réalisera entre eux indirectement l’échange gâteau-steak … La monnaie n'est donc qu'une convention qui facilite l'échange. Chaque acteur accorde sa confiance à un signe monétaire qui va permettre, faciliter, fluidifier les échanges économiques. Ainsi, la monnaie n’est pas une chose, ce n’est pas une valeur en soi, c’est un signe qui matérialise un échange, un flux. L’argent est donc … un système d’information qui garde la trace de ce que chacun doit à chacun. J’ai trouvé cette petite histoire assez connue sur ce site … qui illustre bien ce rôle de facilitateur de flux :

« Journée maussade dans un petit bourg humide au fond de l’Irlande. Il tombe une pluie battante et les rues sont abandonnées. Les temps sont durs, tout le monde est endetté tout le monde vit à crédit. Arrive un touriste allemand riche. Il arrête sa belle voiture devant le seul hôtel de la ville et il entre.
Il pose un billet de 100 EUR sur le comptoir et demande à voir les chambres disponibles afin d’en choisir une pour la nuit. Le propriétaire de l’établissement lui donne les clés et lui dit de choisir celle qu’il veut.
Dés que le touriste monte l’escalier, l’hôtelier prend le billet de 100 EUR, file chez le boucher voisin et règle sa dette envers celui-ci. Le boucher, qui doit de l’argent À un éleveur de porcs, se rend immédiatement chez lui et lui donne le billet de 100 EUR. L’éleveur à son tour règle ses dettes envers la coopérative agricole où il achète ses fournitures.
Le directeur de la coopérative court au pub, régler son compte au bar. Le barman, glisse le billet à la prostituée qui lui fournit ses services à crédit déjà depuis des semaines Celle-ci, qui utilise l’hôtel professionnellement, court régler son compte avec l’hôtelier. L’hôtelier pose le billet de 100 EUR sur le comptoir où le touriste l’avait posé auparavant.
Le touriste descend l’escalier, annonce qu’il ne trouve pas les chambres à son goût, ramasse son billet et s’en va.
Personne n’a rien produit, personne n’a rien gagné, mais personne n’est plus endetté et le futur semble beaucoup plus prometteur. »

Qui crée l’argent ?

La réponse semble étonner les personnes du commun dans le film: ce sont les banques qui créent l’argent en accordant des prêts. L’argent sous la forme de pièces et billets (M1) est une petite partie des signes monétaires en circulation qui n’a pas de valeur intrinsèque d’ailleurs. L’Etat lui-même emprunte aux banques qui créent d’autant plus de monnaie (M2). Seulement, le banquier, qui est un courtier en signes monétaires, a besoin de se rémunérer et facture un intérêt. C’est le prix de son service. Et quel service ! C’est lui qui crée cet instrument fantastique qui permet de réguler les échanges ! 
Réfléchissons-y sous cet angle: grâce à lui, tout le monde s’accorde et la machine économique et  sociale peut fonctionner tranquillement. En fait, il s’agit là du principal outil de gouvernance dont nous disposons … Savez-vous au passage que la part du secteur financier en part de PIB en France est de 4,5% et même de 9% en Grande Bretagne ? C’est beaucoup mais enfin, c’est peu à côté du signalé service que nous rend l’argent … quand on en a ! Car petits irlandais désargentés ont apparemment besoin du billet du touriste pour régler leur problème entre eux, n'est-ce pas un peu étonnant qu'ils ne trouvent pas le moyen de s'organiser entre eux ?

Où est le problème ?

L’attribution aux banques de ce pouvoir régulateur se paye d’un intérêt qui aboutit in fine à deux choses. Certains acteurs font défaut et malgré la croissance économique générale, le phénomène de défaut semble inéluctable du fait d’un phénomène de boule de neige lié à l’effet de levier. Les Etats qui ont accepté de puiser dans les marchés pour éponger leurs déficits sont en train de le réaliser … trop tard. Mais en attendant que le taux de défaut devienne trop élevé, certains acteurs accumulent l'argent qui manque aux autres comme les irlandais de notre histoire.

Certes, les intérêts semblent faibles au regard du capital emprunté mais, cumulés, ils deviennent vite trop lourds. Dans le cas des Etats, la dette cumulée approche ou dépasse le total du PIB or personne ne semble s’apercevoir que le PIB n’est pas la propriété des Etats ! Le PIB n’est pas la grandeur qui sert à rembourser la dette. L’Etat rembourse sur ses recettes, fiscales notamment. Imaginez-vous qu’un Etat endetté à 100% de son PIB veuille taxer la totalité de son PIB c’est-à-dire confisquer toute la production, pour se désendetter ? C’est ridicule et c’est pourquoi, le crash est évident. Le mécanisme de l’intérêt conduit mécaniquement à une course sans issue. Du coup, finalement, la situation actuelle n’est peut-être ni si surprenante, ni si dramatique. Une remise en cause fondamentale de nos idées-reçues économiques et sociales est peut-être en train d'apparaître ... laborieusement.

L’argent est rare !

Nous le savons tous, l’argent est rare et donc cher mais ce n’est pas cela qui fait sa valeur … Nous n’avons pas l’habitude de le voir comme un simple signe facilitant une intermédiation mais comme un objet désirable en soi … et pourtant il ne se mange pas ! Je ne suis pas convaincu personnellement que la construction monétaire à base bancaire classique soit ipso facto une construction erronée en soi sur courte période tant que la croissance est possible. Cependant, nous savons aussi que les arbres ne poussent pas jusqu’au ciel. Nous savons qu’une minorité d’occidentaux trouvent que la croissance n’est pas une bonne chose et surtout que les limitations en ressources naturelles interdisent désormais une telle croissance à un terme désormais proche. Et nous constatons de toute façon déjà en Europe la fin de la croissance !
Il se produit alors une concentration mécanique de l’argent dans les mains d’un petit nombre de privilégiés financiers et autres qui n’ont certes aucun intérêt à ce que la société de l’argent-dette soit remise en cause. La redistribution des fruits de la croissance s’est arrêtée dans les années 90 et la compétition nécessaire entre acteurs pour continuer à rembourser les banques se traduit par le développement d’une « classe moyenne" en voie de paupérisation: les chômeurs entre autres car le travail aussi est rare !

Prochaines étapes :

Je vous propose comme le fait le film ci-dessus de poursuivre cette réflexion en partant justement du point où nous venons d'arriver: la rareté de l’argent. Ceci va nous obliger à considérer des solutions pratiques et intéressantes pour sortir de la seringue dans laquelle nous nous sommes enfermés nous-mêmes. Mon dernier article sur le dopage annonçait en partie ce qui vient dans mes billets suivants:
  1. remettre en cause les excès de la logique compétitive et de la spécialisation monétaire,
  2. pratiquer une autre forme de « gouvernance » que celle l’argent-dette,
  3. bien identifier l'obstacle médiatico-politique à lever ou à contourner pour agir.
Certains d’entre vous sont sceptiques sans doute. N’hésitez pas à écrire un commentaire. Mais dites-moi, pourquoi les candidats aux prochaines élections ne parlent-ils pas de cette réalité structurellement toxique de notre système monétaire ? … A suivre.

1 commentaire:

actionive a dit…

Je fais partie de ceux qui pensent que les candidats éspèrent encore pouvoir cacher la poussière sous le tapis...