samedi 14 janvier 2012

Pour une agence de notation de la gouvernance ....

Image : © Philippe Huguen afp.com
Par les temps qui courent, pourquoi ne pas sacrifier à l'actualité ? Je vous livre donc une courte réflexion personnelle additionnée d'éléments de référence sur le rating de la France, plus une idée. La France vient donc de perdre son « AAA » comme attendu depuis quelques semaines que faut-il craindre ? Mais avant cela, comment marche une agence de notation ? Voici une vidéo assez claire qui nous explique ce que font en réalité ces agences privées :


Elles essaient d'évaluer le risque de défaut d'un emprunteur. Si vous prêtez, vous aimez penser que l'on vous remboursera. En 1346 déjà, le roi d'Angleterre Edouard III ayant financé sa guerre (qui allait durer 100 ans) contre son cousin le roi de France Philippe VI auprès des banquiers florentins Baldi et Peruzzi*, mais ne pouvant pas payer, il décida ... de ne pas rembourser. Première crise des dettes souveraines (on comprend maintenant l'origine du nom) et faillites en chaîne des banques européennes. 

Les agences protègent les créanciers de ce type de risque en évaluant la solvabilité et la volonté de rembourser des Etats et des institutions publiques ou privées : banques, entreprises, collectivités locales … Nous parlerons ici plus précisément du « Sovereign Currency Rating » publié mensuellement. Cette note donne une idée de la qualité de la signature de l'Etat français auprès de ses créanciers. La voici : AA+/Negative/A-1+ . La baisse ne porte que sur le court terme et sur la tendance. La note long terme est inchangée (A-1+) et reste la « meilleure (ex-equo)» de la classe.

Que dit-on de ce changement ?

Baroin : « dommage mais pas si grave ! ». Assez d'accord, voici ce que signifie « AA » (la nouvelle note) : « AA: An obligor rated 'AA' has very strong capacity to meet its financial commitments. It differs from the highest-rated obligors only to a small degree. » La France a donc toujours une « très forte » capacité à respecter ses engagements, un peu moins que d'autres comme l'Allemagne ou le Royaume Uni mais à peine … La tendance est tout de même à la baisse ce qui n'est jamais bon signe.

Royale : « cela sanctionne la politique de Sarkozy ». Bof, cela sanctionne surtout les déclarations fanfaronnes de ses ministres des finances surtout de C. Lagarde en son temps. « cela sanctionne la faible croissance de la France ... ». D'accord, la France a une croissance de 1,75% contre 3% en Allemagne c'est-à-dire une quasi récession. L'écart finit par se remarquer.

Mélenchon : « résister au dictat des marchés ». Pas d'accord, ce serait rendre le thermomètre responsable de la température, l'agence de notation semble plutôt indépendante et dans son rôle compte tenu du système de pensée en vigueur. On pensait à droite qu'elle attendrait la fin des élections pour dégrader la note de la France, comme quand TF1 attendait le feu vert de l'Elysée avant de conclure sa réunion de rédaction … c'est raté. Du coup, c'est un mauvais point pour Sarkozy … mais uniquement parce que les média ont la vue très courte, car ...

Bayrou: « cela traduit l'échec prolongé de tous les gouvernements de la France depuis très longtemps ». Tout à fait d'accord, nous vivons à crédit (5,7% de déficit) quand nos voisins font mieux (1% en Allemagne), il est logique que la différence se paie. Dans les années 1960, les allemands disaient de la France : « la France voyage en 1ère avec un billet de seconde », voilà, nous sommes logiquement priés de changer de voiture, mais le train n'a pas encore déraillé !

Notez que les oiseaux de mauvais augure ont tort d'affirmer que les commentaires sont désinvoltes. Les politiques prennent maintenant la chose au sérieux ... surtout dans la perspective de la campagne électorale. Après ... on verra. Ce serait plutôt cela qu'il faudrait regretter. Je vous laisse en juger.

La tendance est négative à court terme

Voilà donc que la « Direction » de la France est sanctionnée comme prévu du fait d'une conjoncture morose et d'une durable incapacité à s'y adapter. La France rejoint dans sa performance (mêmes notes) celle de la Belgique sans gouvernement élu depuis longtemps, celle de la Chine communiste mais nouvel étalon de la croissance, du Japon dont on parle moins, de l'Autriche où l'on ne vit pas si mal et des USA, gendarme et valeur refuge planétaire.

Sur le court terme qui est l'horizon véritable de l'analyse de l'agence de notation, le plus simple est donc de dire qu'il ne s'est pratiquement rien passé ! L'Euro a baissé un peu mais il est si surévalué ..., la bourse a baissé mais on en a l'habitude, elle est chroniquement dépressive et se reprendra  car la note était anticipée. L'Espagne et l'Italie viennent d'emprunter à des taux assez bas malgré leur note inférieure à la nôtre ce qui est plutôt bon signe… alors ? Il ne s'est rien passé à court terme. Un non-événement médiatique !

La secousse n'a pas été assez forte pour sauver le long terme !

C'est d'ailleurs-là une chose qui devrait nous inquiéter car si les transformations sont presque imperceptibles mais profondes, comme je le crois, elles nécessitent une vraie prise de conscience. Certains disent que les belges sans gouvernement ont fait aussi bien/mal que nous. Alors à quoi sert notre « Direction » élue à nous ? Pour ma part, je serais un peu rassuré si cette dégradation très relative servait à nous réveiller vraiment. C'est-à-dire à ce que nous poussions notre nouvelle Direction, quelle qu'elle soit, à conduire les réformes structurelles en plan depuis 30 ans.

Le but n'est pas de choisir entre faire des économies ou faire de la croissance, il faut :
  • Faire des économies ET ...
  • Faire de la croissance tout en préparant …
  • une AUTRE croissance, seule garante d'un renouvellement de notre société et de ses perspectives.
Je crains donc que l'alerte n'ait pas été assez forte pour cela !

Faut-il étatiser le thermomètre … ?

Il y a un an, le journal Alternatives Economiques disqualifiait les notations des trois grandes agences parce qu'elles seraient à la solde … des banques, du complot mondialiste, du grand Capital, de la Droite (après les « … », c'est moi qui énumère par dérision, pas le journal que je trouve par ailleurs souvent pertinent). Il proposait une agence de notation nationale indépendante ! Il est vrai que ces agences sont privées (S&P est filiale de l'éditeur US Mc Graw Hill). Elles dépendent des Banques et des grandes entreprises qui leur commandent des analyses comme les auditeurs dépendent de ces mêmes entreprises qui les payent pour certifier leurs comptes…

Je persifle parce que nos esprits français sont souvent tentés de renverser la table de jeu à laquelle nous  sommes si confortablement assis. D'un trait de plume, on renverserait le « système libéral-capitaliste » pour opter pour un « national/social-caporalisme». Personne, en vérité, ne dit plus sérieusement cela, on se contente, parce que l'on ne sait pas quoi dire, de proposer une sorte d'ORTF de la notation financière qui serait un gage d'indépendance …(LOL)

… ou en inventer de nouveaux ?

Toujours ce principe du débat du Bien contre le Mal et réciproquement … tiers exclus etc, je l'ai déjà dit. Alors, je vous propose une idée : et si dans pour rassurer les investisseurs (dont personne ne peut se passer, pas plus que de la « finance » dont le rôle est de les rapprocher des acteurs qui font usage de leurs fonds), on essayait autre chose EN PLUS des « big 3 » ? Les chinois ont certes Dagong leur propre agence de rating façon ORTF... Et si, une agence de notation indépendante se développait qui saurait peu à peu intéresser les populations et les politiques à l'évaluation des projets des entreprises, des collectivités locales et des Etats sur la base :
  • de l'équité de leur gouvernance ,
  • de la durabilité de leur politique,
  • de la compétence et de l'honnêteté de leurs dirigeants,
  • de la qualité de leurs résultats pour :
    • leurs clients/administrés,
    • leurs employés,
    • leurs partenaires,
    • leurs actionnaires
    • et la planète ?
Je suis sûr que si l'idée me vient, elle est venue à des tas de gens. Nous passons-là sans en avoir l'air de l'estimation de la solvabilité à l'analyse de la gouvernance. Je m'en rends compte mais n'est-ce pas le vrai problème ? Soyez gentils de me suggérer vos idées pour documenter ce sujet dans de futurs billets si cette proposition évoque des choses pour vous.

* je vous présenterai ultérieurement un livre sympathique à ce sujet.

2 commentaires:

actionive a dit…

J’ai participé à un projet qui visait à créer des indicateurs non financiers pour évaluer les entreprises tout en évitant leur Greenwashing. Cette méthode d’évaluation (applicable aussi aux Etats) peut être alternative ou venir compléter l’évaluation financière. Les choses changent...

Didier Chambaretaud a dit…

Bravo, c'est l'idée. Et oui, les choses changent de façon subtile.
Je n'ai pas encore trouvé une telle agence mais c'est peut-être à créer alors ?