mercredi 30 novembre 2011

Paul Zak sur la molécule de la coopération.

Voici de nouveau une conférence de TEDGlobal. Avant tout, n'hésitez  pas à venir sur le blog pour voir les vidéos qui ne passent pas dans la newsletter que vous recevez par mail.

Je vais vous faire un aveu: c'était en fin de journée et vers la fin de la semaine et je n'ai donc pas assisté à la conférence dans la grande salle mais dans une salle annexe où l'on pouvait se relaxer. Je n'ai pas été très attentif et ce fut une erreur ! J'avais donc prévu de la revoir car Paul Zak aborde une question très intéressante, celle de la dépendance de nos émotions à des processus biochimiques qui déterminent  nos comportements et jusqu'à nos prises de décisions les plus "rationnelles" comme en économie par exemple. Voici:

Que nous apprend Paul Zak ?
Tout d'abord il m'apparaît que Paul Zak nous parle ici surtout de la nature biologique de la connexion entre les gens, ce que je nommerais volontiers la relation. Il s'agit donc de la relation positive notamment de l'empathie qui engendre la confiance et donc, selon Zak, la réciprocité et la coopération. Et qu'a mis en évidence ce pionnier de la neuroéconomie ? Eh bien qu'une hormone peptidique, l'ocytocine, découverte à l'occasion de recherches sur l'accouchement serait responsable, au moins partiellement, de nos "bons" comportements sociaux ! Zak que certains nomment , Dr Amour, nous amène à considérer que nos plus nobles sentiments: l'amour, la tendresse, la compassion ne sont pas loin de résulter de la biochimie plutôt que de la force morale, de l'éducation, de Dieu, ou de la peur du gendarme. Une hormone serait donc responsable de notre capacité à accorder notre confiance, à coopérer et donc à nous comporter selon des codes dénommés "moraux".

Les recherches de Zak se fondent sur des mesures en double aveugle des taux de cette hormone présente dans le sang avant et après une interaction ou une action. Ainsi en laboratoire, on met par exemple en évidence la propension des sujets à donner de l'argent à un tiers après en avoir reçu eux-même. Augmentons la dose d'ocytocine artificiellement et cette propension augmente ! Zak mesure cela aussi à l'occasion d'évènements de la vraie vie et confirme l'influence de l'ocytocine sur nos comportements collaboratifs ou affectifs. Selon d'autres sources cependant, l'ocytocine peut aussi être une cause importante de la violence défensive... une mère défendra âprement son petit contre une menace réelle ou supposée. Alors attention, l'ocytocine ce n'est pas seulement "peace and love" !

La neuroéconomie:

Le Dr Zak est un réprésentant de cette nouvelle discipline la "neuroéconomie" qui remet en cause expérimentalement certains principes de base de la théorie économique classique, rejoignant en cela au passage les premiers écrits d'Adam Smith qui était d'abord un moraliste. Voici quelque liens pour aller plus loin:
Tout d'abord le premier livre d'Adam Smith, publié en 1759, où le moraliste, avant que de devenir le fondateur de l'économie politique classique, s'interroge sur les comportements parfois liés à l'intérêt égoïste, parfois soucieux de la communauté de "l'observateur impartial" que peut aussi être l'acteur économique ... Théorie des sentiments moraux
Le livre de notre conférencier Paul Zak ...The Moral Molecule: The Source of Love and Prosperity
Un ouvrage en français de Sacha Gironde sur la neuroéconomie en général ... La neuroéconomie : Comment le cerveau gère mes intérêts


En quoi ceci nous concerne-t-il ?

En tant que bipèdes de base nous sommes concernés surtout si, en tant que décideurs ou responsables, nous cherchons à décrypter les comportements. Un médiateur ou un négociateur par exemple ne peuvent ignorer de telles recherches pas plus qu'un manager ou un DRH. Attention cependant, il n'y a ni miracle, ni potion magique derrière cette découverte. Quelques éléments de réflexion :

D'abord, selon le Dr Zak, 5% de la population seraient incapables de libérer cette hormone et ne pourraient donc être influencés par les comportements qui appellent une collaboration réciproque. En clair, ce sont les types qui dans les expériences de laboratoires gardent tout l'argent pour eux peu importe le climat de confiance créé par les autres ... Ceux-là portent un nom scientifique très connus: les salauds ! En fait, ces personnages sont asociaux et manipulateurs peuvent se comporter en escrocs ou en psychopathes suivant les contextes. Ils fonctionnent en fait sur un mode de survie très primitif. Ce peut être aussi le cas d'individus ayant connu des conditions très difficiles dans l'enfance ou, plus ponctuellement, celui de gens "normaux" en situation de stress très fort.

Ensuite, Zak nous raconte l'histoire d'une escroquerie dans une station service qui se fait avec un comparse au téléphone. Zak dit en avoir été victime mais il n'était pas bien malin à l'époque car ce type d'arnaque est classique (c'est pour cela que je pense que c'est une histoire reconstituée pour le fun du "story telling"). Passons, ceux qui se sont fait arnaquer comprendront la leçon humaine qu'il en tire: l'escroc ne vous oblige pas à lui faire confiance, c'est lui qui donne, en apparence, une grande preuve de confiance laquelle appelle  alors chez sa victime un comportement réciproque. C'est la victime qui devient volontaire pour lui accorder sa confiance, elle insiste même ! J'ai connu cela aussi ... je me comprends !

Enfin, en cette période de totale perte de boussole notamment concernant les marchés financiers, je vous laisse écouter cette seconde vidéo de Zak qui approfondit son explication sur la "moralité" intrinsèque des échanges marchands (je dirais plutôt des échanges directs, ce qui n'a plus rien à voir avec les marchés financiers actuels à mon avis):





Conclusion personnelle:

J'aimerais que soit développé ce thème dans notre prochain TEDx. Si notre biologie de mammifère vivant en groupes nous conduit principalement à favoriser des comportements coopératifs (y compris économiques), comment se fait-il que nos sociétés restent inégalitaires et que nos systèmes de régulation dysfonctionnent aussi gravement qu'actuellement ? Nous aboutissons alors à un débat politique qui dépasse les conditions des expériences du Dr Zak. 

Il reste que Zak pointe un élément scientifique majeur qu'il ne faudrait pas négliger parce qu'il tend à remettre en cause un axiome de base de la théorie classique: l'homme est capable de chercher à maximiser non seulement son intérêt propre mais aussi l'intérêt collectif ! Message d'espoir: notre biologie nous conduit à des modes de relation gagnants-gagnants, voilà une bonne nouvelle en ces temps agités !

Et puis j'avoue être curieux de découvrir ce domaine que Zak appelle la neuroéconomie. Cela me rappelle un peu le travail de Laurie Santos ainsi que les pensées de Georges Soros auxquels je vous renvoie.

Enfin, rappelez-vous le billet sur ce curieux jeune homme qui distribuait des câlins, Juan Mann, eh bien, le Dr Zac recommande le même remède: huit câlins par jour cela libère plein d'ocytocine !

2 commentaires:

actionive a dit…

Cet article me fait penser à la pub BASF qui met la chimie au cœur des relations humaines.

http://www.basf.fr/ecp2/Press_releases_france/20111018_BASF_campagne

Didier Chambaretaud a dit…

Bien vu !

Un petit film remarquablement intelligent de BASF qui n'est pas sans lien dans sa première affirmation avec des travaux tels que ceux de ZAK mais le reste est de la pub, rien d'autre !