samedi 12 février 2011

Résilience et lâcher prise, Part 1: principes et hypothèses

A plusieurs reprises sur ce blog, j'ai parlé de politique environnementale en évoquant par exemple les idées de Serge Latouche ou de Tim Jackson sur l'a-croissance ou l'expérience de la Famille Baronnet sur l'autonomie. Cela fait quelques temps déjà que je voulais aborder le thème de la résilience et de la résilience climatique en particulier celle qui nous permet d'explorer des pistes d'actions nouvelles. Avant de la définir, je voudrais préciser qu'il est important de savoir faire un pont entre les disciplines.

Le pontage interdisciplinaire :

Le terme vient de la physique, il désigne la capacité d'un métal à reprendre sa forme après déformation. Il est très usité en psychologie par analogie pour désigner la capacité d'un individu à prendre acte d'un traumatisme pour poursuivre sa vie sans dépression ou autre trouble. le psychanalyste et éthologue Boris Cyrulnik a écrit un livre très intéressant sur ce sujet en partie fondé sur son expérience vécue personnelle: La Résilience ou comment renaître de sa souffrance ?. Il est utilisé dans le domaine à la fois des sciences sociales et de l'écologie pour désigner la capacité d'un système à s'adapter à des modifications ou à des chocs. C'est dans ce dernier domaine que des avancées ont été réalisées. Qu'il me soit ici permis de mettre en avant les travaux du Stokholm Resilience Centre dont est tirée une partie des informations de ce billet et qui rapproche sciences humaines et sciences de la nature.

La polémique climatique:

Peut-être aviez-vous suivi l'affrontement médiatique entre deux tendances scientifiques à propos du réchauffement climatique. Débat déformé encore plus par les grands media et ayant abouti à ...rien de tangible dans la foulée du non-événement de la conférence de Copenhague. D'un côté, Jean Jouzel et le GIEC Le climat : jeu dangereux : Dernières nouvelles de la planète focalisant sur le réchauffement climatique dont la réalité ne semble plus contestable. De l'autre, se trouvait Claude Allègre L'imposture climatique : Ou La fausse écologie et une partie des scientifiques du Collège de France, non-climatologues contestant la validité scientifique des résultats des modèles des premiers et pointant non sans raison l'importance de prioriser les actions non pas pour stériliser la croissance mais conduire notre société à s'adapter.

Il semble que le GIEC se soit calmé et que C. Allègre ait fait amende honorable. Le débat est clos mais la mer monte toujours. Alors je vous propose de regarder successivement vers le Nord puis vers le Sud où le débat est plus constructif !

Illustration et définition:

La résilience dont nous parlons concerne la capacité d'un système (social ou environnemental) à s'adapter à des traumatismes environnementaux et à re-développer un écosystème compatible.

La résilience selon le Stockholm Resilience Centre:


Selon le professeur Stephen Carpenter, la résilience consiste à répondre à la question suivante: "combien de transformations un système donné peut-il supporter avant de changer de nature ?" La résilience permet au système de: résister à un choc, s'adapter à de nouvelles conditions et transformer la vie elle-même quand les conditions sont radicalement différentes.

La métaphore physiologique qui explique la résilience:



Brian Walker de la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation pousse l'explication en s'appuyant sur la métaphore du corps qui dispose de mécanismes auto-organisés pour maintenir ses capacités. La résilience c'est cela. Tant que la bille fluctue à l'intérieur du bol sans dépasser les bords, le système revient à son équilibre de départ. Si elle passe par dessus, le système peut se réinstaller dans un nouvel équilibre (un nouveau bol avec de nouveaux seuils) mais c'est alors un autre système. Pour stabiliser un patient en chirurgie, on crée un petit "bol" intermédiaire et l'observation sur des rats montre que cet état est instable. Le corps cherche constamment à revenir à l'intérieur de ses seuils habituels. S'il y parvient, le corps survit. Si le corps évolue vers d'autres seuils, le nouvel état stable atteint est malheureusement la mort. 

L'expérience sur les rats a montré de façon irréfutable que la meilleure façon de renforcer la résilience du corps était de le laisser tester ses limites. Un peu comme vaccin qui renforce les défenses du cops en y développant une forme affaiblie de la maladie. De cette façon, il a bien plus de chances de revenir à l'équilibre. Qu'est-ce qui fait que nous parvenons à maintenir notre température corporelle autour de 37° et que de ce fait les mammifères ont supplanté les reptiles ? Le fait que sans arrêt, ces limites ont été testées et d'innombrables "feedbacks" ont été enregistrées dans la biologie et les comportements des mammifères, les rendant plus compétitifs que les animaux à sang froid  ! Voici un livre du CSIRO sur le climat, cette fois c'est vers le grand Sud que nous regardons: Climate Change: The Science, Impacts and Solutions
Lâcher-prise !

Soulignons cette idée de Brian Walker en forme de paradoxe: "la meilleure façon de protéger une forêt contre les dégâts des incendies, ce n'est pas de la mettre sous cloche, c'est de la brûler de temps en temps !" Ceci afin que le système teste ses seuils et apprenne à revenir à l'état initial. 

Dans le domaine économique, j'anticipe que certains vont pouvoir dénoncer une nouvelle manoeuvre des "ultra-libéraux". Mais lâcher-prise ce n'est pas laisser faire, lâcher prise pour favoriser la résilience c'est créer les conditions de possibilité du retour à l'équilibre. Lâcher prise pour stimuler la résilience, ce n'est  donc pas non plus s'en remettre à la "main invisible", c'est raisonner en connaissant les seuils de réaction du système et les limites de ce qu'il peut encaisser. On peut parfois accepter de brûler la forêt pour la faire renaître. 

Nous reviendrons sur cette idée qui donne des effets aussi sur le plan psychologique individuel.

En quoi ceci nous concerne-t-il ?

Tout d'abord afin de tendre une perche à tous les spécialistes qui s'épuisent en vains constats sur la crise, nous avons ici une discipline qui prospère en utilisant l'interdisciplinarité. Inspirons-nous de ces travaux pour guérir notre économie et nos entreprises en risque de perte de résilience.
Voici les références du livre du professeur Walker qui parle dans cette dernière vidéo: Resilience Thinking: Sustaining Ecosystems And People in a Changing World Il nous met sur la voie d'une façon de penser, résiliente.

Je prépare une suite à ce billet qui sera consacrée aux travaux du professeur Holling qui complètera notre compréhension de la résilience de la planète grâce aux neuf critères sur lesquels travaille le Stockholm Resilience Centre. Stay Tuned !

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